Sous les ovations silencieuses de mes spectateurs, je ronge
les lambeaux de la chair du convenable. J'embrasse l'informe pour lui donner
une direction, je trace la ligne du déraisonnable, je joue avec les mauvais
concepts. Je suis mon prêcheur, ma paroisse, ma brebis, je suis mon sanctuaire.
Je distille l'absurde par la haine ou la haine par l'absurde, et abreuve les
omniscients comme les inconscients. Je suis la pensée déliquescente, la
noirceur caricaturale idéalisée, l'hypocrisie mégalomane, ceci est mon temple.
Mon univers excessif est le fatras expressif d'une accoutumance galvaudée au
culte de ma propre existence.
Je suis Dieu. Je suis le traître. Je suis le
rejeton des brumes sclérosées de l'humour pervers et de la beauté subjective.
Je suis un brouillon de perfection. Je suis un petit dictateur des idées, un
extrémiste de la libre pensée. Je suis Dieu. Je donne la vie comme je la
reprends. De toutes ces créatures merveilleuses dont je suis le Père, combien
en ai-je avorté ? Combien en ai-je laissé à l'abandon parce qu'elles ne
voulaient pas grandir ? Combien en ai-je mutilé par omission ?
Et de celles dont j'ai pourtant été le plus fier, combien en ai-je crucifié ?
Je suis un porc assassin et négligent. J'ai
caché les dépouilles dans ma corbeille, et si le monde était mieux fait, on m'exécuterait
sur l'heure, on m'effacerait, moi aussi, pour crime contre mon humanité. C'est
dans l'abstinence que je rends des comptes à ceux qui m'attendent dans le
néant, je dépose mon âme sur une feuille de papier. Déchire la ! C'est une
pute.