Après ces quelques jours passés à l'hôpital, j'avais enfin la possibilité de regagner mon domicile. A peine arrivé, je décapsule une bière et entame le ménage, afin d'effacer jusqu'à la moindre trace des étrons divins. Une fois tout en ordre, je me pose et m'ouvre une autre binouze, jouis d'un repos bien mérité, et c'est alors qu'on frappe à la porte. Je suis là, nu sur mon canapé, après avoir échappé à la mort par asphyxie, et on ose venir m'emmerder. Qui que ce soit, il va morfler. J'ouvre d'un coup, pour surprendre ma proie par la violence et la vivacité du mouvement et ainsi, lui asséner le choc psychologique ultime en hurlant comme un taré avec en guise de fond sonore un ressortissant tchécoslovaque beuglant quant à lui sur le home-cinéma à plein volume.  L'effet désiré, à savoir l'évanouissement ou la mort, se produit d'autant plus facilement lorsqu'il s'agit d'une personne fortement agée et/ou religieuse. En l'occurrence, il s'agissait ici des deux, car mon visiteur n'était autre que le Pape, accompagnée de deux moines-du-corps, deux mastodontes ensoutanés. Sans même me demander mon avis, ils étendirent Jean-Paul II sur mon canapé. Oui vous avez bien lu, il s'agissait du précédent Pape, censé être éteint. Je nageais en pleine confusion. J'interpellai alors la protection rapprochée du vieux débris, leur demandant de me dégager cette chose de chez moi. Ils restèrent de marbre, peut être ne parlaient ils qu'italien… Mais bien avant que le Pape soit tiré de son sommeil, l'un d'eux m'adressa la parole, tout en débouchant une bouteille de vin de messe.
 « Rhabillez vous s'il vous plaît. Sa sainteté ne supporte pas la nudité sauf chez les enfants de moins de huit ans. Et apportez nous quatre verres. »
J'avais bien compris qu'il ne partirait pas de si tôt, et qu'ils devaient avoir quelque chose à me dire. Et puis que voulez vous, je suis curieux de nature, je voulais savoir ce qu'un Pape décédé bien vivace - enfin, autant qu'il pouvait l'être - foutait chez moi.
Une fois en tenue plus acceptable, c'est-à-dire en caleçon Homer Simpson, j'ai apporté les réceptacles à liquide et l'un des deux gardes nous servit à tous un bon grand verre de vin de messe en faisant les présentations. Le pape s'était réveillé, il but une grande gorgée et se mit à psalmodier en latin, tout en tremblotant. Sa garde rapprochée lui fit remarquer que je ne comprenais pas le latin. Le pape continua néanmoins. L'un des gardes donna un léger coup de coude à sa sainteté, qui sembla se réveiller une seconde fois. Je n'étais pas loin de la vérité, il nous confia s'être endormi l'espace de quelques secondes. Il marqua un long silence, puis s'adressa enfin à moi.
 « Dommage que vous n'ayez pas douze ans de moins…
- On a tous nos problèmes, moi à cet instant précis, je regrette que vous ne soyez pas réellement mort, J-P.
- En vérité je vous le dis, monsieur Groumf, nous avons besoin de vous. L'annonce de ma mort ainsi  que la raison qui m'amène à vous demander de l'aide sont  intimement liés.
- Ca sent le complot à la Da Vinci Code votre histoire… »

Jean-Paul entra dans une crise d'hystérie, son parkinson s'aggrava subitement et il se mit à baver. L'un des gardes du corps, frère Alphonse, saisit le Pape pour le calmer. L'autre, le frère Rudolf, m'expliqua qu'il ne fallait pas prononcer le nom du best-seller de Dan Brown en la présence de son ex-Sainteté. Bien évidemment, à l'instant où l'on me délivra cette information, je m'empressai de répéter frénétiquement « Da Vinci Code » jusqu'à ce que frère Rudolf me colle son poing dans la gueule. Néanmoins, le mal était fait, le Pape était lancé pour une demi heure de tremblements compulsifs et d'insultes en tout genre, menaçant tour à tour ces saloperies sodomites gays, ces enculés de libertins pro-capotes, ces salopes accrocs à l'avortement, ces chiens de juifs et ces maudits musulmans qui n'avaient pas le bon goût d'être nés catholiques, et ces fils de putes d'athées, qui refusent de croire en Dieu ainsi qu'en la toute puissance de l'Eglise. Je découvrais avec horreur le visage d'un Pape polonais bien loin de l'image de l'homme de paix qu'on s‘en faisait, et plus proche de l'image qu'on se faisait du  polonais tout court. Il lâcha une bulle papale, et sa crise prît fin. Il reprit ses explications, s'endormant entre chaque phrase, et dès lors qu'il tanguait trop en avant, frère Alphonse le redressait un peu.

 « Bien avant l'annonce de ma mort, j'ai découvert quelque chose d'incroyable, monsieur Groumf, même un sale enculé d'athée comme vous ne pourrait rester insensible à son retour.
- Le sale enculé d'athée il vous dit bien des choses...
- Il est vrai que mon parkinson est déclenché par ma prise constante par intraveineuse de viagra, et que cette prise de viagra résulte de mon grand âge et des affres qui l'accompagnent… Rendez vous compte, je ne bande plus devant un enfant ! Mais SON retour va tout changer, il pourra me guérir.
- De vos tendances ?
- De mes troubles de l'érection voyons ! Je suis membre du PNVD voyez vous, et en plus, homme d'Eglise, et puis la bible n'est pas très clair à ce sujet, après tout, il n‘est pas dit explicitement dans les dix commandements « Tu ne violeras pas d‘enfants ». En plus, tant que nous avons la foi, nos péchés, dans la mesure où ils sont confessés, sont pardonnés. Ce n'est pas comme l'homosexualité ! Ca, ça mérite la mort ! La castration ! Alors qu'un enfant baptisé est si pur…
- Merveilleux… mais si vous me disiez plutôt pourquoi vous êtes ici.
- J'ai décidé de faire croire à ma mort, en ne mettant au courant que deux de mes plus fidèles serviteurs de la police secrète du Vatican, les frères Alphonse et Rudolf, deux enfants orphelins que j'ai choyé et violé comme un père.
- Comme c'est émouvant.
- Toujours est il que si j'ai fait ceci, c'est parce que je devais avoir les mains libres…
- Pitié me dites pas ce que vous faites avec vos mains…
- Pour retrouver… Le Christ ! »

A suivre...