Dimanche midi, quartier des antiquaires, flânant sous un beau soleil de mi-septembre au milieu des lampes d’un kitsch so 60’s à 160 euros (Et encore, je vous fais un prix madame) et agressé par des regards nasaux de quinquagénaires avachis devant leurs trésors mobiliers/guerriers/indéfinis, que j’ai découvert l’indécouvrable.
En effet, molesté par d’évocatrices génuflexions de sourcils condescendants et navrés de voir quelques gueux endimanchés de mon acabit traîner mon regard sur Jésus en pleine agonie disproportionnelle et faïences d’un goût plus que douteux, je baissai la tête pour cacher la honte liée à mon incapacité sommaire à apprécier ces mondanités pécuniaires de Roms qui se seraient embourgeoisés  afin que mon oeil acerbe élime le sol plutôt que ces vieilleries que les porschiaques promeneurs du dimanche négocient en retroussant la narine et se grattant la barbe avant de racler le fond de leur gorge d’où sort un « combien ? » convaincu, et qu’ils semblaient tous me reprocher de souiller par ma préséance néophyte.
Me frayant un chemin parmi les étales où me fixaient art primitif africain (fort laid) et bouddhas (fort gros), je posai mes yeux sur un bête cageot en plastique jaune, artefact somme toute inadéquat en ces lieux prétentieux d’étiquettes aux prix agressifs. Je me penchai sur l’objet susmentionné pour y découvrir de vieux comics VF. La résurrection de « Bucky », Captain America et les vengeurs, un Hulk au prise avec Man-thing, et tant d’autres choses fleurant bon les années 70-80. Fouillant sans grande conviction, plus pour le plaisir de tripoter des choses que je pouvais enfin apprécier à leur juste valeur (Tant monétaire qu’insolite) et ainsi, sans oser me l’avouer, rejoindre ce cercle étrange de ces précieux idiots farfouillant.

Mais il n’y avait rien dans ce bac qui me permettrait de repartir le sourcil haut empreint de mépris fasse aux gueux jaloux d’un trésor que je brandirai tel un trophée ou deux pieds de biche taxidermés de manière à en faire des portes manteaux, quand soudain, j’ai l’ai trouvé.  Le comic improbable, dont j’avais seulement entendu parler. Ce fantôme d’une autre époque, cette licorne de chez Marvel, ce héros oublié de tous qui serra pourtant les paluches de Daredevil, Spiderman et consorts. Tenant fébrilement ma rareté poussiéreuse, je me relevai la tête haute, plein de fierté, pour toiser de la narine le vendeur bedonnant, cheveux grisonnant, avachis sur une chaise de jardin, en mode furtif derrière ses faïences et ses cul’d’chats, avant de me gratter ma barbe fraîchement rasée la veille et racler le fond de ma gorge pour sortir, dans un soupir de connaisseur à qui on ne la fait pas, « combien ? »
Une fois le prix annoncé, mon objet dûment payé avec toute la sourcillesque déférence dont je suis capable, après que le vendeur, voyant que je faisais finalement, d’une certaine manière, souche commune avec « eux », s’étendit brièvement sur la cote de mon achat (a noter que le brocanteur, à la différence du commercial de base, vous fait l‘article de l‘achat une fois celui-ci payé, parce qu‘ici, bordel à cul, on sait ce qu‘on achète et pourquoi), je fis quelque pas, mon comic à la main, toisant du regard ces manants s’émerveillant devant des casseroles d’antan et des barriques de bois, devant le luxe vieillissant et le parventrisme sanctificateur de la rouille et du mauvais goût. Oui, je fis quelques pas, le sourcil hautement évocateur et le regard plein d’orgueil, la narine gauche fièrement retroussée semblant dire à tout ceux qui m’entouraient :

« Nous n’avons pas les mêmes valeurs. »

http://groumf.info/imageblog/humanfly.jpg(Human-Fly, le héros oublié...)