Ce n'est pas que je sois du genre paranoïaque - le fait de dormir avec un cran d'arrêt sous l'oreiller ne faisant pas de moi un paranoïaque, mais quelqu'un de prudent - seulement je vous jure, avec le temps qui passe, je me dis que je devrais m'y mettre. De toutes façons, tout nous pousse à la faute, car c'est dès le plus jeune âge que l'on insère en nous avec brutalité – et sans vaseline – le doute et la peur. Les temps ont changé, au point qu'on estime aujourd'hui qu'à défaut d'être suffisamment matures, les enfants sont suffisamment en danger pour qu'on ne leur épargne en rien les horribles détails des atroces tourments qu'ils subiront s'ils acceptent un bonbon venant d'un inconnu - inconnu qui le kidnappera, l'enfermera dans le coffre de sa voiture avant de l'emmener chez lui pour le jeter dans sa cave, le sodomiser trois ou quatre fois, le découper en morceau et enfin, le jeter dans une rivière crasseuse au fin fond d'un bled de bouseux consanguins.
Bon bien sûr, l'enfant n'est pas à plaindre, on ne va pas chercher d'excuses aux comportements abusifs de la jeunesse dans la surexposition des enfants à la violence - ceux qui comme moi, sont nés dans les années 80 ne me contrediront pas - et de ce côté là, l'adulte n'a rien à envier à cette petite merde de réplique miniature. Après tout, si l'enfant perd son innocence plus jeune, tant mieux, ça l'endurcira, car il ne faut pas oublier que les adultes que nous sommes sont soumis à des faits encore plus atroces. On ne nous épargne rien, entre les accidentés, les affamés mutilés par la dalle et autres estropiés de guerre alors que nous tous ce qu'on demande, c'est bouffer peinard à 20 heures sans qu'on nous emmerde avec le malheur qui s'abat sur tous ces connards de par le monde. Le pire c'est en plus d'y ajouter verbalement, avec l'enthousiasme et la sagacité digne d'un journaliste sportif, les détails les plus sordides qui soient - bah oui quand on a pas l'image d'un viol suivi d'homicide par 46 coups de couteaux dans l'abdomen même que le meurtrier présumé à fait une guirlande avec les intestins - faut bien broder un peu quand on doit se contenter du faciès décrépi d'un présentateur ridé qui lit un communiqué alors que ça n'ajoute rien à l'info, au final.

Bon après je dis ça pour broder, ça me touche pas au final, les images ou les mots. Je trouve ça, comme toute chose, particulièrement inutile, et j'ai l'inutilité en horreur, plus que tout ce que l'humain recèle de vil. Toujours est-il qu'a vouloir jouer avec les peurs et les angoisses, nous devenons une armée de zombies paranos. Si on ajoute à ça la menace du quotidien inhérent à la civilisation, ce qu'on met dans le sac tamponné insécurité, qui fait que n'importe quel individu un tantinet suspect peut éveiller en nous les pires angoisses sans qu'elles soient justifier pour autant, on est mal barré.
On pourra évidemment mettre cette peur sur le compte de la surexposition médiatique si populaire qu'on fait de la violence, mais il faut dire que la nature humaine aime se repaître du spectacle qu'offre les plus mauvais aspects de ses semblables, et que dans le même temps, l'Homme aime se complaire de manière générale dans la médiocrité et ne cherche guère à donner une image plus flatteuse que celle qu‘on lui colle en se vautrant dans les stéréotypes.
Les problèmes de comportement des uns et la mauvaise perception qu'en ont les autres, le tout accentué par un climat tendu comme une verge d'acteur de film porno, ont pour effet néfaste une méfiance de tout les instants, une psychose permanente. Moi pour ma part, j'avais pas besoin de ça, pour la simple et bonne raison que je me méfie déjà de tout le monde à la base, mais j'en étais pas à graduer sur une échelle de valeur les gens dont je dois me méfier le plus. Dans un optique plus personnelle - ceci afin de vous faire comprendre le pourquoi du comment - il est important de préciser que je suis le genre de personne constamment sur la défensive - sans être parano je vous le rappelle, porter une arme dissimulée dans votre caleçon ne faisant pas de vous quelqu'un de paranoïaque à mon sens -, le fait d'emménager à Marseille n'a évidemment en rien arrangé les choses...
Cela dit, qu'on ne vienne pas pour autant me dire que vivre à la cambrousse c'est peinard et sans risque sinon je risquerai de m'énerver.
Toujours est-il qu'il faut faire face, à la ville et ses dangers, il faut anticiper tous ces risques contre lesquels ont nous a mis en garde autrefois, prévoir les nouvelles menaces,  compter désormais avec le pluralisme culturelle et les frictions qui peuvent en découler et parer le péril jeune et ses adolescents violents dopés aux boissons énergisantes devant si forts qu'ils n'ont besoin que de se mettre à dix sur un individu pour en venir à bout... Oui, il faut faire face. Si je parlais de la ville où je réside, ce n'est pas pour rien. Car bien qu'aillant usé les semelles de mes rangers pas mal d'années sur les trottoirs Nancéiens, je les connaissais déjà, les risques. Après tout, on nous le répète assez : On est en sécurité nul part. Mais la vie dans cette charmante petite ville qu'est Nancy ne m'avait en revanche pas préparer à une chose... La menace terroriste dans le métro.

De part mon activité professionnelle, je suis amené à me déplacer aux quatre coins de la ville à de multiples reprises durant la journée, et c'est donc toute la journée que j'entends la voix feutrée d'un enregistrement me répéter inlassablement sur ce même ton monocorde de quadragénaire mère au foyer : " Pour votre sécurité, soyez vigilents, signalez tout événement ou paquet suspect à notre personnel (genre le personnel de la RTM pratique régulièrement des stages de déminage) Merci de votre attention"
Voilà. Voilà. Vous êtes contents ? Avec vos conneries ! Déjà que s'asseoir dans ce tube turgescent, humide et crasseux en compagnie d'individus tout aussi mouates (je précise à tout hasard que  orthographier "moite" de la sorte est fait exprès et dénote d'un humour formidable de la part de l'auteur) et répugnants n'est pas chose aisée, faut en plus nous faire baliser avec vos menaces terroristes - sous entendu forcément islamistes - alors que dans cette ville se baladent un peu partout des barbus en djellabas ou des gonzesses voilées comme des lépreux , dans des proportions qui n'auraient rien à envier aux villes du moyen orient. Peut on me blâmer, d'avoir réagi de cette façon, alors qu'on cherche à réveiller en moi cette méfiance xénophobe, dans un contexte pareil ? Est-ce ma faute s'il fallait quaujourd'hui, un barbus correspondant à la description précitée, oublie un sac Tati sur le siège juste devant moi ? J'étais littéralement paralysé par le peur, attendant l'instant fatidique où le " colis " allait exploser, tentant de me rassurer du coin de l'œil en regardant discrètement, en douceur sans y toucher, ce que contenait ce sachet. Des fringues à première vue, mais qui sait ce que pouvait cacher ces couches de vêtements ? Mon arrêt se profila au terme d'une dizaine de minutes qui semblèrent durer une éternité, je descendis, sans pour autant avertir le chauffeur de ma macabre découverte, et j'observais la rame s'éloigner vers sa prochaine destination.
Quand allait-il exploser ? Mystère...

Je vous vois venir, mais si j'avais fait stoppé la rame, peut être ne serais-je pas arrivé à destination, j'aurais sans doute gâché les précieuses minutes qui me séparaient du salut en tentant d'avertir les autres. Toujours est-il qu'étant moi-même hors de danger, je ne voyais pas l'intérêt de faire part de mes doutes au " personnel qualifié ". Chacun sa merde. Mon civisme n'étant pas forcément des plus débordant, si je m'étais trompé, je n'allais pas soulager une bande de connards de cette psychose dont j'avais était victime, et si j'avais raison, comme je l'ai dit, je suis hors de portée, donc ce n'est plus mon problème. Symboliquement, j'ai donc tué les passagers de mon wagon. Symboliquement, car rien n'a jamais pété, évidemment. Dommage.