Il ne sort quasiment plus. Sa famille proche ne le reconnaît plus. Le teint pâle, livide, blafard et proche de l'aspect cadavérique par un absence d'exposition récente et prolongée au soleil font du téléchargeur obsessionnel compulsif un être comparable au vampire…le charisme et le mystère en moins.
Un filet de bave au coin d'une bouche dont le dernier brossage de dent remonte à l'invention du dentifrice, une barbe de huit jours, des yeux éclatés et les cernes tombant jusqu'au bas des pieds si bien qu'il marcherait dessus s'il ne restait pas assis 24h sur 24, parfois plusieurs jours d'affilés, achève le portrait de cet être hors du commun dont l'apparition remonte à l'incroyable percée de l'adsl dans le monde du net.
Un bureau dégueulasse dont les cendriers éparpillés çà et là débordent au milieu de cannettes de bières vides , des rideaux brun-nicotine jamais lavés et des piles de CD ou de DVD vierges sont le milieu naturel propice au saint développement du téléchargeur.
Et comment oublier l'ordinateur…Ami et/ou amant, loyal et fidèle, sans lui le téléchargeur n'est plus un homme mais seulement une moitié d'être vivant.
Toujours enclin au téléchargement qu'on pourrait qualifier de compulsif, notre individu accroc aux Mo n'aura de cesse de télécharger encore et encore et encore, pour stocker encore et encore et encore…
Pourquoi ? Ça c'est une autre histoire.
On pourrait penser naïvement que ses nuits sont mises à profit pour se cultiver ou exercer une quelconque activité, ou encore visionner ou écouter ce qu'il télécharge, mais ce serait sans compter le réflexe le plus stupéfiant du téléchargeur qui consiste à bien s'assurer que ses downloads croissent à une vitesse fulgurante et cela de manière constante au point d'en faire une obsession, afin de s'auto-provoquer un orgasme intellectuel des plus intéressant qui semble nous dire à tous : « admire ma grooooooooooosse connexion. »
Il a dans ses tiroirs tout un panel des plus grands chefs d'œuvres du cinéma, toutes époques confondues, tous genres confondus. En a-t-il vu un seul ? Ça c'est un autre chose aussi.
Bien souvent, devant la profusion de tant d'œuvres cinématographiques, le téléchargeur se retrouve devant cette grande question existentielle à laquelle trouver une solution nécessite la participation complète de toute la famille : « qu'est ce qu'on s'matte ce soir ?»…
En règle général, après avoir passé une heure à éplucher une fiche répertoriant tous ses films et épuiser le moral de sa famille, le téléchargeur met tf1 et retourne sur son pc pour voir ou en sont ses downloads. Son coin-bureau, c'est son jardin secret, c'est cet endroit privilégié qu'il ne quitte généralement pas avant le petit matin.
Un peu partout dans son habitat naturel, on peut trouver des cd mp3 d'artistes aussi divers que variés, et c'est un peu comme une boite de chocolat, on ne sait jamais sur quoi on va tomber; le téléchargeur délaissant souvent très vite l'étiquetage minutieux de ses premiers cd pour se contenter de les numéroter, juste pour pouvoir se vanter du nombre de giga de musique qu'il possède.
Vouant un véritable culte à sa free ou live ou je ne sais quoi doté du suffixe "box", le reliant à toutes les sources d'informations du monde, le téléchargeur marié et père de famille rejoint bien souvent les rangs des célibataires de l'informatique lorsque sa femme se trouve un homme que les radiations de l'écran de PC n'ont guère rendu impuissant.
Mais d'un autre côté, ça lui donne enfin une raison et une excuse valable pour expliquer pourquoi un film sur deux qu'il télécharge est un film de cul, abandonnant le sacro-saint prétexte des mauvaises sources et du download pornographique « accidentel »
En bref, le téléchargeur, c'est un être ayant accès à la culture musicale, livresque et cinématographique, mais il se contente de se vanter de la possession d'une masse d'information plutôt que de son assimilation spirituel. Pourquoi? parce que se complaire dans l'ignorance, c'est bon.