[Cette histoire est tirée de faits réels]
Tout avait pourtant bien commencé. Une journée comme tant d'autres, semblable à toutes les autres… Du moins, c'est ce que j'avais pensé ce matin là. Enfin non, je n'avais pas pensé ça. A dire vrai je n'avais pensé à rien, et certainement pas que cette journée de merde était une journée comme les autres, puisque si une journée est semblable à toutes les autres, il n'y a donc aucune raison de remarquer cette ressemblance. Je sais, vu comme ça c'est pas vraiment logique, une ressemblance frappante qui ne mérite pas qu'on la remarque, mais d'un autre côté, commencez vous vos journées en vous disant « Aaaah c'est une journée banale et semblable à toutes les journées précédentes » ? Non ? Alors arrêtez de m'emmerder.
Et puis finalement, puisque j'en parle, c'est qu'il ne s'agit justement pas d'une journée comme les autres. Bref, oubliez l'introduction, de toute façon c'est le genre d'intro de merde qu'on trouve dans n'importe quelle production bas de gamme sur le net…
D'ailleurs, à bien y repenser, cette journée n'a même pas débuté comme les autres dès l'instant où j'ai posé le pied dans les W.C, enfin dans la salle où se trouve la cuvette, puisque le matin, je dépose autre chose que mon pied dans la marre aux minis hommes troncs. Non parce que voyez vous, je suis du genre à accorder une importance capitale à ce grand chantier du matin qui consiste à poser un étron délicat et odorant, donc j'aimerais que tout soit bien clair.
Certains ont besoin d'un bon café, d'autres d'un solide petit déjeuner, et bien moi, je ne suis pas levé depuis quinze secondes montre en main qu'il faut que je sois assis sur la cuvette pour mettre un nouvel enfant au monde. Si quoi que ce soit perturbe ce rituel, et bien la journée est foutue. Car le grand chantier du matin est le précurseur d'une longue pièce en cinq actes. Si le premier acte voit la foule perturber le bon déroulement de la première scène, et bien la représentation est annulée jusqu'au lendemain. Adieu soulagement du matin, pause de dix heures, récurage d'après déjeuner, pause de quatorze heures trente, récurage d'avant dîner, récurage d'après dîner et/ou d'avant sommeil. Et ça, c'est douloureux. Cette souffrance innommable rejaillit dans chacune de mes démarches, dans chacune de mes paroles, elle s'immisce même dans mes pensées les plus profondes. Bref ce matin là, pas de soucis particulier. Bon écoulement, lubrification optimale, colis bien compact et régulier pour limiter l'effort. Mais quelque chose m'a frappé.
L'odeur.
Ma merde avait changé d'odeur… Cela n'a peut être pas d'incidence pour vous, de sentir une odeur qui n'a rien de commun avec celle à laquelle vous êtes habitués, peut être même ne connaissez vous pas vraiment l'odeur de votre ramonage intestinal. Pauvre de vous si tel est le cas, car d'une certaine façon, c'est une facette de vous que vous vous occultez en vous empressant de tirer la chasse comme par peur de vous dégoûter vous même. Enfin passons. Ce matin là, mes gentils étrons n'arboraient pas la même puanteur qu'à l'accoutumée, et ce genre d'événement peut me gâcher une journée. Au lieu d'une forte puanteur envoûtante de mon propre méthane, j'avais droit à une odeur âcre, métallique, sans charme et sans poésie. Une merde froide et inhumaine, un étron mécanique, qui sent comme ils sentiraient probablement si on les fabriquait dans une usine à la chaîne. Une espèce d'étron de fast-food. Un Mac-merde burger. La honte pour un puriste.
Alors bien entendu, je suis resté sphincter clos durant toute la journée, mais cette situation est devenu vraiment inquiétante les jours suivants. La même odeur, les matins suivants. Chaque jour. Si bien que je suis passé de cinq à une vidange par jour, accompagnée de terribles crampes au bide. Après deux semaines, le même schéma s'étant encore reproduit, je décidai, si mon anus me faisait défaut, de mourir dignement en laissant la matière fécale s'accumuler. Une semaine de plus, je devins peu à peu l'ombre de moi-même, suant à chaque bouffée d'air inspirée, ma peau tirant un peu plus sur le verdâtre à chaque instant, l'explosion interne me menançant de son épée de damoclés nauséabonde et brunâtre.
Un matin, alors que je mis plus d'une heure à rassembler mes dernières forces pour me lever, je me suis retrouvé dans l'incapacité totale d'ouvrir la porte de mon appartement. Non, je ne pouvais pas mourir connement comme ça, rongé de l'intérieur par mes déchets corporel et exploser. La comédie avait tassez duré, j'allais me battre, pour faire mon office, cinq fois par jour, tel un homme, un vrai, ou à défaut, un fanatique religieux. Mon enthousiasme fut de courte durée. Bien que n'ayant pas usité de mes chiottes plusieurs semaines durant, l'eau était montée à ras bord, et une masse compacte d'étrons se baignait dans cette quantité anormale d'eau, comme pour me ramener à ma folie et me narguer. Il me fallait prendre sur moi, ouvrir la porte, chier dans la rue ou devant la porte d'un voisin. L'ivrogne du premier, il se chie bien dessus, on pourra facilement croire qu'il a chié devant sa propre porte. Mais impossible de quitter mon domicile. Tant pis, la fenêtre. Ca tombe bien, quelqu'un s'est encore garé à moins de cinquante centimètre de la porte d'entrée de l'immeuble. La fenêtre s'ouvre, mais soudain, une voix résonne, telle une terrible mise en garde. On m'ordonne de m'arrêter.
« Qui me parle ? M'écriais-je.
- Regarde par terre connard ! »
Il était là, dressé du haut de ces dix centimètres.
Un étron. Un étron parlant...