C'est en naviguant au milieu des gens, sur une piste de danse bondée, en me demandant craintivement qui allait me gerber dessus, que m'est venue cette question foutrement existentielle.
« Mais qu'est ce que je fous là ? »
Certes, il y a des endroits plus propice à la réflexion qu'une masse uniforme d'individus que la pénombre ne peut qu'arranger physiquement, ou dont le discours stérile de queutard en mal de vie sexuelle est couvert par des basses saturées qui massacrent back in black. Non c'est certain, c'est pas l'endroit rêvé pour pousser sa réflexion aux confins de l'immensité du subconscient alcoolique de l'humain. Entre deux remontées de whisky, de bière et de Dark Schwepp's, c'est toujours cette même question qui me taraude.
Il est temps d'aller réfléchir sérieusement, et c'est à ce moment que la porte des chiottes m'apparaît salvatrice.
Une terre promise, un havre de paix à l'odeur nauséabonde. J'y pénètre, ne prête pas particulièrement attention à un type couvert de dégueulis qui somnole par terre, ou à cet autre type qui lutte pour ne pas finir comme le premier. Je peux vous dire que je ne suis pas dans un état plus glorieux, constat navrant que je peux faire après avoir croisé mon regard dans le miroir qui, à en juger par la couleur, semble avoir servit de cuvette à des vessies pleines, aux heures d'affluences où les paumés se posent certainement la même question que moi.
Réflexion intense entrecoupée de jets de vomi.
La musique tape si fort que j'ai l'impression que mon cœur s'arrête, et que ce qui draine désormais mon sang n'est autre que ces basses saturées. L'odeur me lève le cœur, je voudrais avancer encore un peu, pouvoir réfléchir à cette grande question que je me pose, mais entre l'envie vomitive que m'inspire cet endroit, et ces envies de meurtres que m'inspire les salles principales et leurs troupeaux de veaux gesticulants, cela semble impossible d'émettre ne serait ce qu'une onde cérébrale. Peut être est ce le but.
Je retourne m'asseoir. Les basses drainent toujours mon sang, les veaux gesticulent toujours, et je me demande toujours ce que je fous ici. La pénombre les avantage toujours, le bruit aussi. Je ris en pensant aux surprises que certains et certaines auront le matin au réveil, se réveillant dans les bras d'une citrouille en pensant avoir couché avec cendrillon ou le prince charmant. Puis je bois encore.
Et je me demande toujours ce que je fous ici.
De l'air, j'ai besoin d'air. Je me dirige lentement vers la sortie, toujours en frôlant ces épaves folles furieuses puant la transpiration et le parfum bon marché, j'arrive au vestiaire pour récupérer ma veste et monte les escalier. Tout est moite, tout colle, tout est dégueulasse. Faut il être le dernier des porcs pour prendre plaisir à se divertir dans ce genre d'endrot. Une fois dehors, la même question, qu'est ce que je fous ici… Je ne savais pas ce que je faisais à l'intérieur, je ne sais pas plus ce que je fais dehors, je commence à marcher, sans être vraiment certain de me diriger vers chez moi… Qu'importe, déambuler dans Nancy a trois heures et demi du matin en étant légèrement torché, c'est presque poétique. Et je ne connais toujours pas la réponse à ma question, enfin je crois, puisque je me la pose toujours.
Je m'arrête, m'appuie contre la rambarde d'un pont, et vomis enfin. C'est incroyable comme vomir est libérateur de l'esprit, à croire que l'estomac et l'encéphale sont intimement liés, chez le pochtron en tous les cas.
Ce que je fous là, j'en sais rien, mais je me pose pas pour autant la question quand je rentre dans une boulangerie, à partir de là je me pose une nouvelle question.
Pourquoi diable est ce que je me pose des questions de merde sans intérêt ?
Une autre halte sur un autre pont m'apportera peut être une nouvelle illumination. Ca tombe bien, il y en a un deux cent mètres plus loin.