CHAPITRE DEUX
Seconde partie
PRATIQUES BARBARES
Le goût du sang et le goût du foutre
Quand j'ouvre les yeux, je suis toujours à table, le nez collé sur mes bites volantes. J'ai mal au crâne ; mais pas ce mal de crâne qu'une aspirine vous dégage comme une mocheté vous chasse la trique ; ni de cette gueule de bois habituelle qu'est la mienne. Non, il s'agit d'un mal tout autre, un sorte de bourdonnement qui m'annonce une mauvaise nouvelle.
Sans vraiment savoir pourquoi, je descends à la cave. Tout semble normal. Les détritus, les moisissures, le monticule de terre recouvrant les cadavres de ma mère et de René. Tout est en place. Mais je ne suis pas tranquille pour autant. IL y a autre chose.
Je rentre dans la cuisine et ouvre une bière. Le temps passe, et cette désagréable sensation ne fait que s'amplifier. Il faut que je m'occupe l'esprit, quand soudain on sonne à la porte.
Je regarde par le judas, et je comprends alors que ce mal n'est en fait que mon sixième sens sentant les embrouilles arriver à grands pas.
Derrière la porte se tiennent deux gendarmes. Pas de panique. Ils ne savent rien. Je leur ouvre ; voyons ce qu'ils veulent.
« Bonjour monsieur…
- Qu'est ce que vous voulez ?
- Nous avons reçu quelques plaintes concernant un camping car garé plus haut, les voisins nous ont dit que son propriétaire...
- Il est pas là pour le moment. Je lui dirais de bouger son tas de boue quand il sera de retour. De toute façon il part en week end avec ma mère ce soir même.
- Pouvons nous entrer ?
- Certainement pas.
- C'est-à-dire que certains voisins nous ont confié avoir entendu des cris et des bruits suspects l'autre soir…
- Alors c'était « l'autre soir » qu'il fallait venir.
- Nous voulons juste nous assurer que tout va bien, monsieur…
- Inutile, tout va pour le mieux. Maintenant vous m'excuserez, j'ai à faire »
Je ferme la porte, il s'en vont. Je n'ai pas été prudent. Il y a des tâches de sang sur le carrelage. Les corps sont à peine enterré dans la cave…il aurait suffit que les flics entrent pour suspecter certaines choses.
Et cet abruti de René, avec son camping car de merde. S'il était possible de tuer un homme deux fois je serai certainement en train de recommencer.
Bon première étape, rentrer le camping car dans la cour intérieure à l'abris des regards. Deuxième étape, nettoyer le sang sur le sol et les murs. Ensuite, déterrer les corps, les foutre dans le camping car, l'emmener dans les bois, cacher les cadavres, emmener le camping car ailleurs et le brûler.
J'ai passé toute la matinée à nettoyer le sang. Il faut dire que ça colle affreusement cette merde. Et qu'est ce que ça gicle.
Je déterre les corps dans l'après midi, et l'odeur qui s'en dégage n'a rien de si désagréable qu'on le dit. Je la trouve même douce, enivrante, excitante. Et cette expression sur le visage de mère. Jamais auparavant je ne l'avais trouvé si belle. La mort lui va si bien. La rigidité de son corps, sa froideur cadavérique. Après un moment d'extase proche de celui du peintre devant sa dernière toile, je remonte le corps de mère au rez-de-chaussée et le charge dans le camping car. Ensuite vient le tour de rené.
Je profiterai de l'obscurité de la nuit pour partir. Il me reste environ trois heures avant la tombée de la nuit ; juste le temps de boire quelques petites bières, de mater un bon porno et de s'astiquer un coup le manche histoire de décompresser.
A peine une heure s'est écoulée et j'ai déjà éclusé une bonne partie de mes bières. Je devrais faire attention à ne pas trop me saouler si je veux conduire sans éveiller les soupçons. Finalement la difficulté dans le meurtre, ce n'est pas tant le meurtre en lui-même mais la façon de s'éviter les ennuis, et c'est ça qui fait toute la différence entre un bon et un mauvais assassin. Entre un homme libre et un homme en taule.
Je tente d'appeler Mick, pour voir s'il n'est pas motivé par une petite virée nocturne mais aucune réponse de sa part. Tant pis, je me débrouillerai seul.
Mon calme face à cette situation m'étonne ; comme si ce n'était pas la première fois…
La nuit tombe, je m'apprête à partir. Je monte dans le camping car et mets le contact.
J'emprunte les petites rues sombres et mal famées de la ville, je sais que je n'y croiserai rien qui représente la loi.
Une fois aux abords de la ville, je pénètre dans la forêt, m'enfonce dans les bois sombre avant de m'arrêter faute de chemin praticable. Je descends, sors les cadavres et commence à creuser. D'abord René. Quand viens le tour du cadavre de ce qui fut ma mère, j'ai un instant d'hésitation. La mort lui va si bien, dans la pénombre de cette forêt et sous ce ciel sans lune. Pour la première fois depuis longtemps, mes lèvres effleurent sa peau, sa joue ; puis, par une inexplicable pulsion, je me mets à l'embrasser, je la touche, la déshabille. Mes doigts courent partout sur son corps sans vie et dénudé, ils pénètrent en elle. Je pénètre en elle. Je la baise. Encore et encore et encore. Jusqu'à l'orgasme, jusqu'à la nausée, jusqu'à en vomir. Une fois mon affaire terminée, je la jette dans le trou et commence à recouvrir de terre mes victimes.
Je monte dans la camping car et repars.
Je roule une heure ou deux, et trouve une petite clairière au fin fond de cette forêt. J'arrose tout l'intérieur d'essence, l'extérieur également, pour qu'il ne reste plus aucune trace de mon passage. Je laisse une longue traînée sur environ deux cent mètre avant d'y foutre le feu. Lorsqu'une explosion se produit, je suis déjà loin.
Je marche toute la nuit d'un bon pas avant de rejoindre à nouveau la ville au petit matin.
Je rentre dans le premier bistrot que je trouve, je suis couvert de terre et en sueur, mais le lieu n'est pas vraiment grand standing. Je bois une bière vite fait, emprunte une clope au tavernier qui ressemble à un clodo et quitte ce trou à rat miteux puant la pisse. Une fois arrivé chez moi, je m'écroule sur le canapé et dors douze heures d'affilées. Pas le moindre remord, pas la moindre pitié, pas le moindre regret. J'ai le goût du meurtre, de l'inceste et du vice au bord des lèvres, et cela m'aide à dormir paisiblement. J'ai cette sensation, l'impression d'avoir retrouvé une partie de moi, l'impression d'être né pour l'abjecte…j'ai l'odeur de mon foutre sur le cadavre de ma mère qui me remonte dans les narines. Et putain, que c'est bon.
Ho oui, que c'est bon.
Je dors jusqu'au soir quand quelqu'un tambourinant violemment à ma porte me tire du sommeil du juste.
A suivre...
Ahh ... Logan, logan ...