(C'est toujours le) Deuxième chapitre - Théories (3)
Interlude et histoires de sous sol
Je suis assis sur les chiottes -ou tout du moins sur le gros seau en plastique qui me sert de chiotte- au fond de ma cave. Le futal au niveau des chevilles. Un rat énorme me fixe droit dans les yeux. Des haut-parleurs de ma télé sortent des cris jouissifs de femme –ainsi que des insanités portées par une voie bien masculine- Je ne bande pas. Je suis en train de chier. Je regarde autour de moi. Les cadavres de bouteille de bière, le sol de terre humide dans lequel s’est imbibé des mois de dégueulis, d’urine et de liquides plus honorables. Les pierres sombres et gluante éclairé par la faible ampoule qui me prodigue un peu de lumière. Si peu de lumière. Trop peu de lumière.
La blonde à gros nichons hurle comme une chienne.
Ca fait bien une heure que c’est ainsi. Moi comme un con en train de chier sur mon seau et d’observer mon taudis, le rat qui me fixe ainsi que les pétasses se faisant joyeusement tringler et de temps à autre, ma queue flasque.
Rien ne trouble ce cycle qui inspire à la réflexion, si ce n’est le doux bruit de ma merde qui rejoint ses sœurs d’armes au fond du seau –qui commence à être rempli à ras bord- et mes gémissements plaintifs.
Je suis assis à table, sur la terrasse lézardée du jardin de la vieille chouette. Je porte juste un caleçon alors que la vieille s’est mise sur son trente et un, ce qui se résume à ne pas mettre la même robe usée et sale qu’au long de toute l’année. René, le vieil abruti qui fréquente ma mère, me fixe droit dans les yeux. Je reste impassible devant le spectacle pathétique que j’observe. La vieille qui sert une de ses horreurs culinaires dont elle à le secret en gloussant comme une dinde pour attirer l’attention du vieux pervers, le vieux pervers m’exposant encore son opinion sur le pourquoi du comment de toute chose, entrecoupé de tirade sur « le bon vieux temps » et « quand j'étais jeune bordel de merde».
La scène est identique chaque soir depuis une semaine, et la vieille insiste bien pour que je n’y coupe pas. Moi assis la comme un con en train de dégueuler intérieurement en observant le sol, le vieux René qui me fixe et la vieille chouette se comportant comme une pucelle à qui on aurait administré son premier doigt dans l’anus.
Rien ne trouble ce cycle qui incite à l’ennui et au dégoût le plus profond, si ce n’est le bruit de la merde qu'on verse dans les assiettes.
Soudain je n’en peux plus, je me lève de mon seau, j’empoigne et décapsule une bière –la douzième en une heure et demi- la vide d’un trait avant de gravir le petit escalier de pierre qui me sépare du rez-de-chaussée. Le rat me fixe toujours. Je sors par la vieille porte défoncée du hall de notre masure, et vagabonde dans les petites rues à la recherche d’une pute.
Je reviens en compagnie d’une jeune fille noire ne sachant du français que les mots nécessaire pour donner ses tarifs. La cave ne semble pas lui convenir, mais elle s’exécute sans discuter –d’ailleurs elle ne peut pas- lorsque je déballe ma bite. Le rat me fixe toujours. Je déteste ce rat. Je baise la donzelle, lui file sa thune et lui indique le chemin. Je bois une autre bière. Le rat me fixe toujours.
Avant la fin du repas, écoeuré par la présence du vieux pervers et la bouffe de la vieille chouette, je me lève afin de redescendre dans ma cave. Comme à son habitude ma mère proteste –c’est ainsi depuis au moins trente ans- et gentiment, comme à mon habitude, je l’envoie sucer des ours. Le vieux pervers me fixe. Je quitte le petit jardin, royaume de la mauvaise herbe, traverse la maison, sors par la porte de la cuisine qui donne immédiatement sur le hall et le petit escalier de pierre qui mène à ma cave puante. Je descend, m’ouvre une cannette, j’allume la télé, lance la lecture de ma vidéo porno préféré –défonce moi par les trois trous- et je me branle. Soudain je tourne la tête, un rat me fixe. Un rat énorme. Une ombre m’attire le regard. Sur le seuil de la lourde porte en je ne sais quel bois foutrement robuste ; René me fixe, assis sur mon lit en train de me branler. La seule chose qui me vient à l’esprit c’est de lui demander s’il vient pour m’aider à finir ou s’il veut tenter une nouvelle expérience, auquel cas il se serait trompé de cave.
Pour la première fois depuis que je le vois ouvrir la bouche, ce n’est pas la merde qui en sort. Il évoque une idée intéressante.
« Tu sais pourquoi on fout les poubelles dans les sous-sols des immeubles ? C’est parce que c’est leur place, loin des regards…elles puent, elles existent, mais au moins, on s’arrange pour ne pas les voir. Toi aussi tu es un déchet, c’est pour ça que tu vis comme un porc au fond de ta cave dégueulasse loin des regards, parce que c’est ta place. Parce que tu es une insulte au regard de ceux qui le poserait sur toi.
- c’est intéressant, continue, pour une fois que tu ne dis pas que des conneries ; ai-je dit tout en continuant de me masturber.
- Ecoute moi bien petite merde, t’en a plus pour longtemps ici, je vais m’installer et crois bien que ta cave de merde je la ferais murer, et toi, comme ce qu’on fait des poubelles, je te fous dehors.
- T’as terminé? J’ peux continuer ma petite affaire ? »
Il sort de ma cave. Monte le petit escalier. Je l’entends qui discute avec la vieille chouette.
Il est déjà 23 heures. Le temps passe vite. Trop vite.
Je finis. Les déchets au sous sol. Il à raison. C’est une théorie tout à fait prodigieuse. Même si de sous sol il n’y a pas, on cache les déchets aux yeux du monde. Je me cache aux yeux de la vieille chouette. Mais c’est le monde entier qui devrait vivre dans le sous sol, c’est le vieux pervers et la vieille chouette qui devraient descendre ici pour manger leur pitance avec moi. Il est temps de monter. Mais avant je dois chier un coup. Je me pose sur le saut qui me sert de chiotte. Le gros rat me fixe toujours, et j’observe la cave.
Le rat à enfin baissé sa garde, moment d’inattention fatale. Les déchets au sous sol. Je jette ma cannette sur lui. Il est sonné mais pas mort. Les déchets au sous sol J’éclate une bouteille vide, et transperce le rongeur à plusieurs reprises, si bien que ses tripes ne sont plus qu’une bouillie rappelant étrangement la tambouille que ma mère sert à bouffer. Je le réduis en charpie avant de lui bouffer les yeux. Je frappe et frappe encore. Les déchets au sous sol. J’enterre le rat. Je prends une pelle rouillée, je bois une dernière bière ; et armé de ma pelle, je vais chercher les ordures.
Je ne me souviens pas de grand-chose de cette nuit la. Un sentiment d’euphorie, de liberté, une envie de révolution, de sang et de massacre. Une impression de bien être.
J’ai enterré René, après lui avoir bourré la bouche avec de la merde provenant de mon seau. Pour une fois dans sa vie, la merde qui dégouline à ses lèvres n’est pas la sienne.
La vieille chouette, elle, ne fera plus jamais de mauvaise bouffe. Les ordures au sous sol. A partir d’aujourd’hui tout est à sa place… dans cette maison tout du moins.