C'est courageusement, par lyrisme clinique et amour de la blouse blanche, que je me rends un beau matin dans un centre médical afin de me faire prélever quelques échantillons du sang qui parcourt mes veines (entre autres choses).
L'angoisse de l'attente, la peur de la découverte. Mais je m'emballe. Ce bilan sanguin complet, ordonné en bonnes et dues formes par mon médecin, inquiet pour ma santé – à 20 euros la visite il peut se permettre cet état d'âme – n'est peut être qu'une partie immergée de l'iceberg. Aucun vaccin à jour depuis plus de quinze ans et une manie à délaisser ma santé auront peut être raison de moi. Je m'attends au pire.
On appelle enfin mon numéro, après tout nous ne sommes que ça. On me fait entrer dans une pièce, on m'installe, on me pique, on me prend mon sang avant de me dire poliment mais fermement que d'autres attendent leur tour. Si ça se trouve, je suis mourrant, sauf que personne ne le sait encore. «Et la présomption de maladie t'en fais quoi salope ?» ai-je hurlé à l'infirmière. J'aurais modéré mon jugement si on m'avait au moins filé un petit gâteau pour couper ma faim.
Et l'attente se prolonge, mais pas au centre hospitalier, elle s'insinue dans mon existence quotidienne. Je devrai donc attendre quelques jours avant de savoir. Je sens déjà la maladie qui me ronge continuer son ouvrage, avec plus de zèle qu'avant que je soupçonne son hypothétique existence. Les jours défilent, tous semblables, et je m'affaiblis à vu d'œil. Dire qu'avant d'aller chez le docteur, tout allait bien.
J'attends toujours le courrier qui me fera office d'épitaphe. Lorsqu'il arrive enfin, c'est tout d'abord la facture qui accompagne les soins qui me porte un coup fatal. Faire payer cent euros pour une malheureuse prise de sang à un mort en sursit, c'est un manque de tact effroyable, intolérable, inconcevable. Je pourrais me faire rembourser par la suite, mais, si je meurs avant d'être remboursé ?
Et lorsque j'ouvre le courrier qui m'est adressé, je frémis. Je parcours le bilan sanguin, et fonce chez mon médecin.
Je lui fais part de mon inquiétude quant à ces résultats catastrophiques. Hématies, hémoglobine, V.G.M Leucocytes et ainsi de suite, tout est parfaitement normal. Ce qui m'inquiète le plus, c'est cette phrase en bas du compte rendu de mon bilan sanguin, cette phrase de mauvaise augure, qui tombe comme un couperet : « absence d'anomalie cellulaire notable »
Soudain, tout bascule à jamais, alors que mon toubib m'annonce que je suis bien en parfaite santé, avant d'ajouter que c'est même plutôt étonnant. J'éclate en sanglots, lui hurle qu'il se trompe, qu'ils ont fait une erreur quelque part, tandis qu'il reste imperturbable, marmonnant des formulations de politesse très recherchées du genre « je suis désolé », mais qu'il « me reste encore un espoir ».
Un espoir, il en a de bonnes lui, on voit bien qu'il n'est pas dans ma situation. Lorsque je sors de son cabinet, je goutte à l'air oxydé de la ville, m'enivre du soleil générateur de tumeurs, me délecte du chant des oiseaux vecteurs de maladies… heu non en fait ça me gonfle toujours autant ces niaiseries, mais pourtant, je goutte chaque instant de mépris que je voue envers toutes ces merveilleuses choses, qui font d'une existence fade pour être humain moyen, rien de plus ni de moins que ce qu'elle est déjà.
Je vis chaque seconde comme si c'était la dernière, au bout d'une minute j'arrête de compter parce que ca devient ridicule, et me résous à mon triste sort.
Je suis en bonne santé. Quelle tragédie.
C'est dingue d'avoir une vie aussi banale. Même pas foutu d'être à l'article de la mort à vingt et ans passés, c'est absolument pathétique. Je rate décidément tout ce que j'entreprends.
Je croise un handicapé moteur, déambulant sur son fauteuil roulant. Mon destin tragique m'apparaît comme une insulte et l'irruption de ce personnage, une provocation, à laquelle je réponds.
Je me lance à la poursuite du malandrin en lui jetant des pierres ainsi qu'en l'insultant allégrement, afin d'expier mon chagrin.
Les gens malades n'ont aucune pitié pour les personnes en bonne santé, trop heureux de pouvoir goûter avec délectation aux plaisirs les plus simples, et bien moi je n'ai aucune pitié pour eux, moi qui souffre du terrible fardeau de la normalité, ainsi que du peu de jouissances qui l'accompagne.
Lundi 15 mai 2006 à 10:40
Commentaires
Par joKeR le Lundi 15 mai 2006 à 10:44
Vil maraud, tu ne mourras pas dans les flammes de l'enfer. Paltoquet !
Par Lundi 15 mai 2006 à 11:18
le Eh bien voilà! C'est gagné je vomis par les oreilles maintenant...
Par Lundi 15 mai 2006 à 12:09
le envi de dire un truc mais je sais pas quoi .. je cherche un mot que j'arrive pas a trouver //
mais bien aprecier ce texte ..
mais bien aprecier ce texte ..
Par Lundi 15 mai 2006 à 12:17
le Si tu veux j'ai des gnomes...
Par Lundi 15 mai 2006 à 13:10
le Si tu veux, j'ai un plan partouse avec quatre malades du SIDA, deux tuberculeuses en phase terminale et une lèpreuse tronc. Si avec ça t'es pas contaminé, je veux bien t'achever en personne.
Par Lundi 15 mai 2006 à 13:50
le C'est un scandale total. QUOI toi atom parfaitement normalement ? J'en suis offusqué !
Par Lundi 15 mai 2006 à 16:38
le en chèque en liquide ?
Par Lundi 15 mai 2006 à 16:39
le ou sur ton compte suisse .. ou sur ton compte au japon comme ton ami jacques !!
Par Lundi 15 mai 2006 à 16:56
le compte clearstream voyons :D
Par Lundi 15 mai 2006 à 16:56
le au fait morgoth non ca ira, je te les laisse tes morts vivants ^^
Par Lundi 15 mai 2006 à 17:31
le 20 euros ouais, ben moi il m'a fait payer 30 euros pour me préscrire des dolipranes !Pfff...
Par Lundi 15 mai 2006 à 18:36
le a les medecins, tout un monde!
chacun son cauchemard!!
bah je suis sur que les souffrants dirait exactement le contraire de toi!^^
chacun son cauchemard!!
bah je suis sur que les souffrants dirait exactement le contraire de toi!^^
Par Mardi 16 mai 2006 à 11:51
le c'est dur, merde, si seulement t'avais eu une leucémie....
Par Mardi 16 mai 2006 à 22:48
le Ne desepere pas, il y a tout un tat de maladie qui ne peuvent pas être détectée par un simple examen sanguin. Si ca se trouve, t'es encore dans la periode des trois mois précédent la seropositivité, ou plein de milliers de petites bactéries qui ne demande qu'une pitite mutation de rien du tout pour devenir des parasites hautement infectieux.
Par Mercredi 17 mai 2006 à 12:23
le C'est la saison, décidément ! la veille, venais d'écrire un article sur ma prise de sang : mais la tienne est bien plus gouleyante que la mienne ! Dommage quand même ! Ils ont même pas décelé un sarcasticôme ! tu es sûr que ce labo est sérieux ?
Par Mercredi 17 mai 2006 à 20:13
le mdr
cette façon de décrire la prise de sang et ses conséquences est tout simplement sublime
bravo à toi ...
cette façon de décrire la prise de sang et ses conséquences est tout simplement sublime
bravo à toi ...
Par Dimanche 21 mai 2006 à 21:00
le Je me demande ou tu trouves toute cette inspiration!
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