C'était par un dimanche ensoleillé que ma femme et moi même
nous sommes rendus à la gare saint-charles de Marseille pour récupérer le
premier arrivant d'une mini-rencontre cowvivor, préparée intimement et sans
grande prétention. Arrivés pile-poil à l'heure, nous attendions le train
provenant de Bordeaux. Après quelques minutes d'attentes, nous vîmes l'illustre
Super-admin en personne, le célèbre joKeR. Impassible, le regard perdu vers les
poutres métalliques soutenant le toit de la gare, la fumée de sa cigarette
virevoltant au gré de la légère brise matinale, il forçait le respect, perdu
qu'il devait être dans ses récurrences spirituelles dont lui seul à le secret.
Des récurrences que quelques heures de trains avaient certainement poussé à
l'extrême.
Direction le petit appartement ou nous allions passer ces quelques jours, afin
d'y déposer les affaires de l'admin'. Découverte en chemin, pour lui, des
spécialités Marseillaise : La puanteur et la saleté. Découverte pour nous
une fois à l'appart', d'une des spécialités de joKeR, spécialité dont il ne
manquera pas de nous gratifier durant deux jours et demi. Pour les curieux…
Disons que c'est une spécialité discrètement bruyante et pourtant très
odorante.
Direction le cours Julien afin de nous restaurer, et une fois le repas expédié,
nous décidâmes de faire visiter un peu cette ville si parfumée à notre invité.
Non content de fournir pour l'occasion ses pires effluves, le Vieux Port nous
offrit son pire raseur. Immigré africain semi-clandestin, vendeur à la sauvette
d'objet manufacturés, de montres bon marchés et de lunettes de soleil. Le brave
homme, un peu perplexe concernant le sexe de joKeR, qualifiera le super-admin
de « belle fille ».
La main sur le cœur, il nous jettera d'hideuses statuettes en offrandes pour
nous garantir bonheur, amour santé fortune et tout ce que ça implique, cadeaux
qu'il nous reprendra bien vite une fois que nous lui auront refusé les quelques
piécettes qu'il demandait pour se payer un coup à boire.
Retour à l'appart', afin d'entamer ce qui sera notre principal activité :
le visionnage de conneries sur le P.C, l'écoute de musique, et l'échange de
fichiers. En début de soirée, nous récupérâmes Samantha et Morgoth. Autant vous
dire que ces retrouvailles (Ma douce est moi même avions déjà rencontré les
deux prototypes à Nancy) n'étaient pas sans interpeller les quidams alentours,
notre façon de nous saluer se résumant à répéter le mot « bite ».
Retour express à l'appart, via le métro, et nos deux nouvelles recrues
découvrent à leur tour les charmes olfactifs de cette grande ville qu'est
Marseille.
Ensuite, petit détour au domicile régulier de dame Margritis afin d'y récupérer
trois matelas pour nos invités. Matelas que nous porterons sur l'épaule, bien
alignés les uns derrière les autres, de manière à bien boucher la vue des
buveurs en terrasse venus regarder un Match de l'O.M sur les écrans genre
t'as-vu-ma-grosse-télé, mis à disposition en extérieur par les cafetiers de la
place Castellane. A noter que l'immense statue du rond point de Castellane
ressemble à une bite (dixit Samantha).
Durant notre petit transport de matelas, nous devions assumer les regards des
miséreux et sans abris de toutes sortes, dormant à même le sol, qui nous
traitèrent de clochards à notre passage. Grand moment d'émotion et de rires. .
Etait ce injuste de faire remarquer à ces cloportes que nous, au moins, nous avions autre
chose que le macadam pour dormir dessus ?
Pour ceux qui s'imagineraient que nous ne sommes que d'affreux soiffards ne
pensant qu'à picoler, autant vous dire tout de suite que le fait que nous
n'ayons pas racheté de bières nous passa au dessus de la tête, et ce n'est
absolument pas pour cette raison que nous sommes sortis manger à l'extérieur. Enfin...c'est un des raisons.
De cette petit sortie restau, et bien, je me souviens avoir découvert qu'il
existait aussi crevard que moi sur la bouffe, joKeR faisant preuve d'une
galanterie extrême en piquant constamment dans les assiettes des filles, puis
me provocant en duel de fourchettes pour gagner une demi crêpe au nutella
abandonné par un Morgoth rassasié.
Le soir même, tout le monde sombra devant « l'autre c'est moi » de
Gad Elmaleh.
Morgoth et Samantha préférèrent le sommeil à l'absence de sexe, et joKeR,
visiblement exténué par son trajet et la journée, s'écroula le premier.
Avant que je m'en retourne bosser, les quatre alcoolytes (ce n'est pas une
faute, c'est un mixe entre alcooliques et acolytes) me firent part du plan de
la soirée : boire de la bière et visionner des films débiles.
Le plan, plutôt bien accueilli par tous, fût mis à exécution un peu avant que
je rentre du boulot. Un pack ayant visiblement souffert, je me devais de
rattraper le retard. Bière, pizza et films débiles, les trois ingrédients
indispensables pour une bonne soirée.
Le lendemain étant férié, il était convenu d'aller pic-niquer et pic-oler sur
les îles Frioul (ou du Frioul, ‘fin on s'en fout).
Pour cela il fallait prendre un bateau et accessoirement, puisque c'était le
jour où joKeR nous quittait, il fallait donc nous lever tôt. Nous avons émergé
vers les 10 heures du matin, et sommes partis vers les onze heures et demi,
Margritis et Morgoth entreprenant de faire le concours de celui qui reste le
plus longtemps dans la salle de bain. A cette occasion, voulant déloger notre
ami chevelu Morgoth, je fus le témoin à jamais traumatisé,
de sa nudité, et c'est encore si j'ose ouvrir une porte de salle de bain
depuis.
Après une longue marche, nous arrivons au Vieux Port pour prendre le bateau.
Timing serré, il fallait prendre celui là et pas un autre.
Bien évidemment, après près de trois quarts d'heure de queue, à l'instant même où vient notre tour, lorsque le guichet est enfin à notre portée, et que
l'on compte prendre nos billets, on nous signale que le bateau est plein et
qu'il faut attendre le suivant. (F'est pas poffible, f'uis désolé f'est pas
poffible.)
Ma solution consistant à prendre un bus, rentrer, nous vautrer devant le P.C et boire pour oublier nos mésaventures a, bien entendu, été accepté à l'unanimité. Retour au « you touch my tralala » quotidien.
Nos tentatives pour le retarder et lui faire rater son train se révélèrent
inefficace (j'ignore s'il s'agissait d'un accord tacite entre nous quatre de le
garder plus longtemps ou si nous sommes réellement des larves lorsque nous nous
préparons).
A 16h18 ce mardi 15 août, joKeR retirait son billet à un guichet de la gare,
courut vers son train, et à 16h19, il ouvrit de force les portes d'un wagon qui
s'étaient fermées sous son nez. Un rapide au revoir, et notre ami nous
quittait. Nous avons longtemps couru le long du train qui l'emmena loin de
nous, hurlant des insanités qu'il ne pouvait entendre, lui, de son côté,
brandissait son majeur.
Nous savions que jamais nous ne pourrions l'oublier, et sa disparition allait
profondément nous affecter.
Samantha et Morgoth nous quittaient deux jours après. Longtemps, nos
interminables conversations bitesque resteront gravées dans ma mémoire, ainsi
que nos nombreux moments de fou-rires, ces moments à part, que la décence
m'interdit de vous narrer. ( rien de sexuel, je vous assure). Mais pour
l'honneur de certaines personnes, ainsi que par respect pour nos anecdotes
personnelles et sexuelles que nous avons échangé, je ne peux rien dire. Cela dit, si certains ont senti
leurs oreilles siffler (ou leurs poils pubiens), rassurez vous, c'est normal.
Et alors que eux aussi montaient dans le train pour quitter Marseille, tard le
soir, la pluie saluait leur départ, comme à l'instant où joKeR nous quitta. Une
fois de retour chez nous, la meuh-box de ma femme et la mienne ne sonnaient
plus de la même façon. Les "toupoutous" résonnaient dans le néant. Nos semelles ne faisaient plus "han ! baby !"
Je garde un magnifique souvenir d'une petite rencontre simple et sans
prétention, et sans le cacher, j'attends avec impatience le jour où nous nous
reverrons. Ce résumé trop exhaustif et ces caricatures de moments marquants ne sauraient dire à quel point
ces instants furent exceptionnels, mais même les meilleures choses ont malheureusement une fin.
Monde de merde.