Voyant une camarade shoum's malmenée, les autres se jetèrent sur moi. Pliant sous le poids du nombre, j'imaginais déjà les pires horreurs et voyais mon avenir d'un œil sombre, pour ne pas dire funeste. Cruel destin que de mourir si jeune, dans la force de l'âge, et sobre. Préparant mon âme à l'inconnu, je découvris que les châtiments corporels chez ces étranges petites créatures avaient quelque chose d'agréablement familier... Voir jouissif. A ma grande surprise, elle ne me firent aucun mal, au contraire même, puisqu'elle expulsèrent certaines tensions de mon corps, avant de recueillir dans une liesse générale un certain liquide aidant à la reproduction. Elle se répartirent équitablement la précieuse substance, et chacune d'entre elles déposa quelques gouttes sous toutes les feuilles d'arbres tombées au sol jusqu'à épuisement du stock de foutre. Elle dansèrent ensuite toutes ensembles, tournant sans cesse, et répétant encore frénétiquement "Shoum's".
Quelques minutes plus tard, alors que je me rhabillais, les Shoum's se mettaient à chercher sous les feuilles. Je vis d'ailleurs à ma grande surprise une feuille "ensemencée" bouger, je la soulevai donc. Je découvris en dessous une Shoum's, les yeux mi-clos, éblouie par la lumière. Je récupérai alors cette petite chose, qui commençait déjà à communiquer avec moi, prononçant un "shoum's" interrogatif. Les autres Shoum's continuaient à chercher sous les feuilles leurs nouvelles congénères, mais il m'apparaît évident qu'elles n'ont pas suffisamment de mémoire pour se rappeler où elles ont semé. Elles abandonnent bientôt leurs recherches et retournent dans les buissons, visiblement peu affectées par l'inutilité de tant d'efforts, puisqu'elles dansent à nouveau en shoum'sant joyeusement. Je pose la Shoum's que j'ai recueilli à terre, mais au lieu de les suivre, cette petite femme à poil décide d'aller de me monter dessus et de voyager avec moi. Ironiquement, je lui demande mon chemin.
« Tu ne saurais pas où trouver Jesus par hasard ?
- Shoum's ! Fit-elle, en m'indiquant une direction.
- Ouais ouais ouais c'est ça...»
Je décidai de l'ignorer mais elle insista pour que nous empruntions le chemin qu'elle m'indiquait. Elle sauta de mon épaule et tira sur mon pantalon pour affirmer sa détermination.
Etant complètement paumé et n'ayant aucune idée de l'endroit où commencer mes recherches, je décidai de faire confiance à l'intuition de cette créature. Après tout, elle connaissait peut être les lieux d'instinct. Si j'avais alors pris en compte cette absence totale de mémoire observée cinq minutes plus tôt, je ne me serais pas risqué à faire confiance à une hypothétique connaissance des lieux obtenu via mémoire génétique pour trouver mon chemin dans la forêt vosgienne, ça m'aurait d'ailleurs évité bien des emmerdes. Je m'enfonçais alors dans l'épaisse végétation, quittant le territoire des Shoum's. Durant de longues heures de marche, je n'observais rien d'anormal, jusqu'au moment où un silence de mort fit place aux habituels bruits de la nature.
On ne sentait rien. Une sorte de vide. C'est à ce moment précis que les oiseaux s'envolèrent comme un seul homme (bien qu'un homme ne vole pas), ce qui ne laissait présager rien de sympathique pour ma personne. A mesure que je m'enfonçais vers le nord, enfin je pense qu'il s'agit bien du nord, cette saloperie de mousse censée ne pousser que sur la face nord d'un d'arbre s'amusant à recouvrir en général toute la circonférence des troncs histoire de vous paumer et de vous faire passer pour un con si vous dirigez un groupe d'abrutis dans les bois et que personne n'a pensé à prendre une carte, une boussole ou un GPS… Hem. J'avançais donc vers ce que je supposais être hypothétiquement mais probablement le nord, destination à laquelle j'aurais sans doute mieux fait de renoncer sur le moment, si je m'étais fié à tous ces animaux qui couraient dans la direction opposée à celle vers laquelle je me dirigeais. Après qu'une horde de dahus roulèrent tant bien que mal vers moi, qu'un troupeau de sanglier ait tenté de m'écrabouiller (et j'en soupçonne un ou deux d'avoir voulu me violer), qu'un ours en caleçon dansant le twist et que plusieurs centaines d'écureuils, lièvres et autres saloperies de rongeurs à la con aient croisé ma route, je rechignais de plus en plus à suivre la Shoum's, qui semblait être décidément la seule créature de la forêt à ne pas sentir un éventuel danger. Je lui sommais de s'arrêter, mais rien n'y fit. Elle avançait, poussant des petits cris de Shoum's, et que voulez vous, qu'elle fasse une taille normale ou vingt centimètres, je suivrais une jolie fille à forte poitrine jusqu'aux portes de l'enfer, plus particulièrement si elle se balade à poil.
La Shoum's, malgré sa faible taille, était vive. Elle arriva au tournant d'un sentier sombre et sinueux, et disparu. J'avais été semé par ma petite compagne de route. C'est alors que j'entendis un cri inhumain, rauque, presque plaintif, et vis la Shoum's réapparaître, me sauter dessus et se cacher sous ma chemise, en répétant à plusieurs reprise de sa voix enfantine « Sous la feuille, sous la feuille ! »
Face à moi, je vis les fourrés bouger, de plus en plus fort, comme si quelque chose s'approchait de moi. Je le vis alors, celui que tous redoutaient, celui à cause de qui les Vosges étaient devenues de vieilles montagnes ridicules et dépeuplées sauf par une tripotée de fous et de paysans consanguins ne s'aventurant plus depuis longtemps dans les vaste forêts (enfin tout n'est pas non plus sa faute… c'était déjà comme ça avant).
Il se dressa devant moi, tout comme son chibre. Il n'était pas d'une taille exceptionnelle, mais il était gros, étonnamment gros, ce qui ne semblait paradoxalement pas l'empêcher de se mouvoir avec agilité. Il était fortement poilu, d'un poil dru et noir comme on ne les voit que sur le dos d'une portugaise, il bavait et sentait fort. Il se dressa devant moi en hurlant, et j'étais pétrifié par ce spectacle autant effrayant qu'abject. J'étais impuissant face à une telle masse, impuissant face à l'abominable gay des Vosges.
Il me frappa, et je fus si impressionné par sa vitesse, - tant elle est en adéquation avec le gros porc lubrique qu'il semble être - que je ne pensais même pas à esquiver le coup, qui me fit faire un vol plané d'une bonne dizaine de mètres. La baffe m'avait pas mal sonné, et ma course aérienne ayant été stoppée par un chêne majestueusement solide comparé à ma boîte crânienne, je ne le vis même pas bondir et me rejoindre en une seconde, ni même me prendre un autre revers pas piqué des vers (Haha quelle tournure, prenez en de la graine !). J'étais là, le visage tuméfié après quelques secondes de combat à peine, tentant de me relever avec l'appui de la Shoum's qui avait quitté ma chemise. Je me préparais à recevoir une autre baffe, mais je m'aperçus que le monstre n'y voyait que dalle. Il regardait partout, et alors que j'étais à seulement cinquante mètres de lui, il ne me prêtait pas la moindre attention. Il flaira l'air, et soudain, se dirigea lentement dans ma direction, prenant fermement position pour s'élancer. Il était évident qu'il flairait quelque chose qui me trahissait.
Mon odeur masculine, ma sueur testostéronée, bref, ma puanteur de mec qui vient de passer plusieurs jours dans les bois sans se laver. Etrangement, il ne m'attaquait pas. En me retournant je compris que j'étais au bord d'un ravin. Grâce à son odorat d'homosexuel sauvage, il devait sûrement évaluer les reliefs et les distances.
Ma seule option consistait donc à me jeter dans le vide, en priant pour que ma chance me sauve une fois encore. Je mis la Shoum's dans mon sac, qui ne comprenait pas bien la situation, le pourquoi du comment, tout ça, et je m'élançai dans le vide. Je me souviens m'être réveillé quelques heures plus tard, trempé par la rosée matinale. Alors que j'ouvris les yeux, je vis un groupe d'hommes bedonnants, sales , nus et poilus s'avancer vers moi. Comme tout un chacun, confronté à des inconnus nudistes au fin fond des bois, la première question qui me vint à l'esprit fut :
« Qui êtes vous ? » Question à laquelle ils répondirent promptement.
« Nous sommes un peuple gay très ancien, oublié de tous…
- Nous vivons nus dans ces forêts. Nous sommes les Vosgiens. »
Avant que j'eus le temps de dire quoi que ce soit, l'un d'eux ajouta « A poil ! C'est un ordre ... »
Visiblement, ma situation empirait...
Ah et heu... toujours pas de réaction sur l'homophobie ?