Parce qu'il faut bien se lever
On est quel jour aujourd’hui ? Hum…jeudi…Mouais ; un jour de plus qui vient s’ajouter à une longue suite d’autres jours dont je connais si bien les noms que je les oublie chaque matin depuis que je les ai appris.
Seule réponse à la question ? Un écho doux amer, dans mon imagination caverneuse, me soufflant qu’aujourd’hui, ce n’est encore pas le bon, qui dit aussi que demain sera pire qu’hier.
Je quitte alors un monde fait de désirs et d’irréalité, cocon chaleureux où sans cérémonie on me confère le titre de dieu de mon univers.
Non sans nostalgie je me lève du mauvais pied, il fut un temps j’aurai dit « normal pour un gaucher », j’ai bien fini par comprendre que peu importe la gueule de bois ou de voûte plantaire, le mieux au final c’est encore de pas mettre le pied par terre.
La suite tout le monde la connaît ; un pied devant l’autre mesdames et messieurs; et magie : ça « marche »
Allez avance mon pote, allume toi une clope et défonce toi la glotte, j’ai le Sahara dans le palais et vu l’odeur y’à bien un chameau ou deux qui traînent dans ce désert. Je bute sur mes cernes et mange le cactus, celui-ci est bien réel.
Affalé sur la table, broyant quelques idées plus noires que mon café, c’est la dedans que je ne vais pas tarder, soit dit en passant, me noyer. Fatigue me direz vous, et tandis que mon nez pique vers la tasse, mon esprit lui pique dans son marc de déprime.
Banalité d’un jour de pluie possédé par l’ennui, et quelle force invisible m’a donc traîné hors de mon lit ? Banalité d’un jour métro boulot dodo, dieu merci je suis célibataire et sans marmots.
Statistiquement parlant y a plus de chance de s’exploser la tête contre le baignoire que de mourir au petit déj’, et non sans ignorer cet état de fait, je ne me précipite pas spécialement vite vers la douche…tout au plus je rampe à ce stade ; quand je repense au serpent et à Adam, l’Homme condamné à trimer loin de l’Eden et le serpent envoyé au tapis et contraint d’y rester jusqu’à la fin des temps, je me dis que dans l’histoire ramper c’est pas si mal.
Je change de continent, depuis le sol où j’évolue la baignoire est un Everest, j’ai pas la force de plonger dedans mais je vous assure le cœur y est ; il aurait fait bien à côté du cerveau sur le carrelage blanc. Dommage.
On règle le thermostat sur 45° et la suite tout le monde la connaît. Tu glisses sur la savonnette après t’en être foutu plein les yeux, comme ça histoire de rire un peu tu te brises un rein ou deux ; et bien sur juste avant de constater que, malheureusement, alors que ton crâne sonne et les murs bougent ; tu n’es pas encore mort aujourd’hui et donc que tu peux oublier l’envie de rester à l’horizontale qui te turlupine.
Comme quoi y’a des jours « sans » et des jours encore plus « sans ».
Une fois la porte passé c’est comme un immense trou de mémoire, juste une horloge géante qui m’agresse et le sentiment d’être perpétuellement en retard, courir après le temps pour rattraper son argent ; alors que les jambes sont tellement moins lourdes à porter quand on est allongé. Les gens ont les dents longues et le regard terne, je suis dans un film de zombies mais je marche comme eux. Après une journée dans la peau d’une momie, ce qui me renvoie vers mon Sahara et ses chameaux puants, c’est d’une démarche toute aussi joviale et enthousiaste que je m’en retourne chez moi ; la tête vide, bien évidemment.
D’un geste vif et vigoureux comme celui d’une tortue anémique de cent cinquante ans, je pousse la porte en prenant bien soin de me retenir aux clefs pour ne pas tomber, ce qui explique sans doute pourquoi je dois refaire un double toute les semaine.. Retour à l’état larvaire, je rampe à nouveau. Plateau repas, télé, bouquin ; qu’importe d’ici une heure j’aurai oublié ce que j’ai ingurgité. Tant mieux d’un côté, ça m’évitera une mauvaise digestion.
Je rejoins mon lit après trois bière et un ou deux pétards, pour dormir y’a rien de tel même si socialement parlant les calmants passent mieux, retour au cocon chaleureux ou l’on confère le titre de dieu de mon univers, retour à ce monde ou l’on ignore tout du monde réel, même si j’en viens.
Demain nouvelle tentative d’apnée dans une tasse de café ; si Dieu le veut je sais que je peux y arriver, ne soyons pas triste de quitter le monde du sommeil si tôt après y être entré si tard ; de toute façon la réalité est tellement mois attrayante qu’elle a le mérite de pouvoir passer pour un cauchemar.
Ou tout du moins, un rêve étrange et… un tantinet trop long.
Quelle joie de se recoucher.